Page:Audiat - Un poète abbé, Jacques Delille, 1738-1813.djvu/22

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Les Géorgiques, si impatiemment désirées, parurent en 1769. Ce fut un succès prodigieux. Voltaire, toujours à l’affût des jeunes talents, pour les encourager et les enrégimenter, ne manqua pas de louer « Virgilius Delille ». « Le poème des Saisons et la traduction des Géorgiques paraissent, écrivait-il, les deux meilleurs poèmes qui aient honoré la France après l’Art poétique. On ne pouvait faire plus d’honneur à Virgile et à la Nature » ; et il propose à l’académie de réserver à l’auteur une place vacante. Le grand Frédéric proclame cette traduction une œuvre originale.

Dans ce concert d’éloges qui accueillent l’œuvre nouvelle, quelques coups de sifflet. C’est la loi. Clément, de Dijon, l’attaque ; mais il attaqua aussi Saint-Lambert, lequel eut le tort de demander et le malheur d’obtenir la prison du For-l’Evêque contre le critique irrévérencieux, presque sacrilège. Chateaubriand a appelé les Géorgiques un Raphaël copié par Mignard.

La voix de Voltaire fut entendue. Il menait la campagne avec D’Alembert, La Harpe, Marmontel contre le parti de la cour et de l’église ; les anciens et les modernes étaient remplacés par les encyclopédistes et les dévots, parfois même par les jansénistes et les molinistes. L’académie, « où l’on recevait depuis longtemps des ducs, des prélats, des financiers et quelquefois des gens de lettres », était déjà un champ de bataille. La lutte se traduisait en diatribes