Page:Audiat - Un poète abbé, Jacques Delille, 1738-1813.djvu/47

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par cœur toutes ses Géorgiques. À un autre voyage, il m’aima davantage parce que je savais son poème des Jardins. »

Est-ce bien exact ? En tout cas, la brouille ne dura pas : car il fallait un assez grand courage pour entreprendre le voyage d’Auvergne en Poitou et venir séjourner dans une paroisse de 440 habitants. L’amour maternel seul, le plaisir de passer quelques jours avec son fils pouvaient décider Mlle de Chazelle. Montlosier a pu être trompé par ses souvenirs ; son biographe, Bardoux, l’a été certainement quand il raconte : « Montlosier avait à peine dix-huit ans qu’invité à une petite fête dans la ville de Royat, il s’y trouva avec une demoiselle de cinquante ans et fort aimable. Un beau jour elle disparut, et l’on apprend qu’elle est à Paris et qu’elle s’y présente sous le nom de Mme Delille, mère de l’abbé Delille. » Or, Reynaud, comte de Montlosier, né en 1755, aurait vu, en 1773, Mlle de Chazelle, qui, née en 1709, aurait eu alors 64 ans.

D’une nature aimante et facile, l’abbé de Saint-Séverin, charitable pour les pauvres, ne pouvait qu’entretenir de bons rapports avec ses voisins.

Près de là était le Tabarit, en la paroisse de Coyvert ; c’est une délicieuse oasis, ou plutôt un charmant jardin, frais et ombragé, qu’arrosent deux bras de la Boutonne. On y montre un bosquet touffu où il venait rêver et un immense marronnier qu’il a planté. Le propriétaire était Pierre Fromy, lieutenant au régiment de Belzunce, qui, retiré du service, avait (17 septembre 1730) épousé sa cousine Marie Pastureau, dont le père était magistrat à la prévôté royale de Chizé. Il avait acheté cette terre de Gabriel de Fleury[1].

Mais qui terre a, guerre a. Le Tabarit, fief qui ne relevait que du roi, à cause de son château d’Aunay, n’était séparé du château de Dampierre que par une route. Dispute entre les deux voisins ; le baron de Dampierre prétendait que le propriétaire de Tabarit n’avait droit qu’à une fuie et non pas à un colombier. Le procès dura de longues, longues années. C’était l’usage, qui ne s’est pas perdu

  1. Voir pour les Fleury le Dictionnaire des familles du Poitou, par Beachet-Filleur, nouvelle édition, t. III, p. 448.