Page:Audoux - De la ville au moulin.djvu/174

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Il répond sans bouger :

— Je t’écoute.

— Penche-toi un peu vers, moi ; ce que j’ai à dire est grave et je ne peux pas le dire devant des yeux fermés.

Il ouvre ses yeux qu’il laisse errer au plafond. Ma gorge se serre, j’hésite et je finis par dire exactement comme la veille :

— Ne sois plus triste, nous allons avoir un enfant.

Il referme les yeux et ricane :

— Comme l’autre ; ça vous amuse de mentir.

Profondément blessée je dis :

— Laisse à l’autre ses mensonges, Annette Beaubois dit toujours la vérité.

Il se met à siffler sans quitter sa pose renversée. Je veux lui raconter la venue de Firmin et, pour l’obliger à un peu d’attention, je le touche au bras. Il se lève vivement alors, et recule l’air effrayé en disant :

— Est-ce que tu vas me frapper, toi aussi ?

Je suis moi-même si effrayée de ce que je vois sur son visage que je me place devant lui et demande :

— Me reconnais-tu au moins ?

Il me regarde des pieds à la tête, insolemment :

— Oui, je te reconnais, tu es Annette Beaubois, la grande, la pure, la fière Annette Beaubois.

Le ton est aussi insolent que l’allure, mais je ne veux penser qu’au conseil de Firmin et, avec l’espoir que tout cela va changer, je reprends doucement :

— Je t’en prie ! ne te moque pas, je t’assure que je vais être mère.