Page:Audoux - De la ville au moulin.djvu/183

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chaque jour, et elle y apporte une telle attention qu’elle en oublie la cloche du cimetière. Je dis comme elle pour ne pas la désobliger mais, en réalité, je n’ai d’appétit que pour les fruits frais. Je n’ai pas su résister aux cerises emplissant les petites voitures des marchands des quatre saisons, ni aux mirabelles qui ont suivi, ces jolies prunes, jaunes, douces et sucrées nomme le miel. Et maintenant que l’automne arrive, je me nourris de belles quetsches, brunes, fraîches et fermes sous la dent comme du bon pain bis ; mais ces repas de fruits appétissants ne tiennent pas une grande place dans mon estomac, et à certaines heures de la journée j’ai faim.


Oncle meunier ne s’étonne pas de me savoir à Paris ; il croit que j’y suis momentanément avec Valère pour les affaires de la maison de Nice. Manine paraît le croire aussi, mais ses lettres contiennent toujours des phrases qui ressemblent à des questions.

Avec Firmin j’ai retrouvé des dimanches de fêtes. Sa ville de garnison, peu éloignée de Paris, lui permet de faire l’aller et le retour dans la même journée. Nous aimons à revoir les endroits où s’est passée notre enfance et nous faisons de longues stations au Jardin des plantes.

J’évite de passer auprès des carnassiers ; leur vue me cause un malaise long à se dissiper ; j’ai pitié de ces bêtes à l’affût de tout ce qui remue et de tout ce qui vole et toujours prêtes à bondir pour une proie possible. Firmin qui connaît mes préférences dit en riant : « Fuyons les bêtes qui guet-