Page:Audoux - De la ville au moulin.djvu/53

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poussins ? Tante Rude et Manine accourues à mon appel, ne la reconnurent pas pour leur bien propre, et pas davantage les ménagères des habitations voisines. Seule, Clémence assurait l’avoir déjà vue dans la cour du moulin où elle se défendait contre les poules de tante Rude qui la chassait à grands coups de bec. Oncle meunier riait :

— Au moins, dit-il, si mes poules l’ont chassée, il ne paraît pas que mes coqs lui aient fait mauvais accueil. Et, tout en continuant de rire, il compta vingt-trois poussins, tous vigoureux, et des teintes les plus diverses.

Au cours de la journée on fit des recherches au village et dans les fermes avoisinantes, mais la poule n’appartenait à personne. Du reste, elle ne pouvait venir de bien loin avec sa couvée. Intriguée, je cherchai son nid autour de chez nous, et je finis par le trouver, presque au faîte de la grande meule de blé qui s’appuyait à la grange. Aux pailles froissées, aux déchets de grains broyés, on voyait que la poule avait dû nourrir là ses poussins pendant plusieurs jours avant de les obliger à descendre à terre.

Tante Rude ne voulait pas croire à un nid si haut, mais oncle meunier dit :

— Elle l’aurait fait tout en haut du clocher s’il l’avait fallu.

Manine vint à moi toute réjouie :

— Oh ! Annette ! quelle aubaine !

Oui, c’était une aubaine. Et le soir, lorsque j’eus mis bien à l’abri la poule et ses poussins, je me crus pour le moins aussi riche qu’une grosse fermière.