Page:Audoux - De la ville au moulin.djvu/83

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tout de suite, et qu’il avait fallu nous donner aussi des soins.

Firmin dont la mémoire gardait fidèlement les moindres détails de ce mauvais jour réussit à égayer Valère Chatellier en ajoutant :

— Tu peux croire que notre retour à la maison n’a pas été des plus rapides. Sur ce boulevard de l’hôpital, tous les bancs étaient nos amis. Et puis, il fallait voir marcher Annette portant son petit. Elle avançait toute tassée et si vieille que je croyais réellement suivre grand-mère.

Chère grand-mère ! d’elle aussi nous avions beaucoup à dire. Pas plus que le son de sa voix, son sourire n’était effacé en nous. Comme nous avions aimé les belles rides qui se réunissaient en fossettes au creux de ses joues ! Et celles qui s’entre-croisaient sur son cou, et formaient de si jolis carreaux dans sa chair brune ! Un jour que nous venions d’être durement grondés par tante Rude et que grand-mère nous consolait de son mieux, Firmin lui avait demandé pourquoi elle n’était pas la femme d’oncle meunier à la place de tante Rude. Ils auraient eu des enfants de notre âge avec lesquels nous aurions bien joué, disait-il, et personne ne nous aurait grondés.

« Mais, avait répondu grand-mère, oncle meunier est mon fils, et un fils ne se marie pas avec sa mère. »

Et Firmin, sûr de lui avait riposté :

« Pourquoi donc ? une mère se marie bien avec un père. »

Valère Chatellier n’avait rien à raconter de son enfance ; les souvenirs qu’il gardait de ses parents