Page:Audoux - De la ville au moulin.djvu/96

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seul avec moi dans le fournil, n’a-t-il pas aussi appuyé ma tête contre sa poitrine, et posé sur ma nuque une main caressante ? Et sa voix, au lieu de gronder n’était-elle pas pleine de vibrations harmonieuses tandis qu’il disait tout contre mon oreille : « Ma grande Annette ! Ma courageuse fille ». Et pour finir, les doux baisers qu’il a pris l’habitude de mettre sur mes tempes comme pour les rafraîchir, ne valent-ils pas tous les baisers qui vous surprennent dans l’ombre et vous meurtrissent la bouche ?

Je repris confiance en moi-même, et d’un léger tapotement sur ma joue brûlante je m’encourageais :

— Allons Annette, hâte-toi d’aller reprendre ton travail au moulin où tu retrouveras le cher oncle dont la tendresse est si apaisante.

Malgré le peu de temps dont je disposais entre mes occupations, je ne négligeais pas Mme Lapierre. J’aimais à la retrouver assise bien droite sur sa chaise à haut dossier, un ouvrage de broderie entre les mains et son aimable visage levé vers moi. Les années ne semblaient pas avoir passé sur elle tant elle gardait de jeunesse dans toute sa personne ; l’affection maternelle qu’elle m’avait témoignée au début s’était changée en une amitié plus libre qui nous permettait de tout dire. Elle n’ignorait pas ma décision contre le mariage mais elle eut vite fait de découvrir ce que je tenais tant à cacher :

— Vous l’aimez, Annette, et l’amour sera plus fort que vous.

Ainsi que Firmin, elle parla de ménages restant