Page:Audoux - Douce Lumiere.djvu/156

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

y avait encore les journées sombres d’hiver, où il fallait travailler sous l’éclairage trop vif des lampes. Sa vue, si perçante et si sûre, se brouillait alors, et ses yeux lui faisaient mal comme d’avoir pleuré. Mais, par-dessus tout, il y avait les matins, où, mal réveillée parce que le sommeil s’était fait attendre, elle allait à son travail moitié endormie encore, marchant de travers sur le trottoir, heurtant les passants et se cognant aux becs de gaz, ce qui la réveillait brutalement, et manquait de la jeter à terre. Il lui arriva même d’entrer dans un tas de sable au milieu duquel un homme remuait de la chaux vive. L’homme, d’un revers de main, l’avait écartée et poussée rapidement au bord du trottoir où le ruisseau coulait en plein à cette heure. Il l’avait aidée à laver ses souliers couverts de chaux. Et, l’air moqueur autant que bougon, il l’avait regardée en dessous pour lui dire :

— Vous ne voyez donc pas clair ?

Le récit de cette étourderie avait longtemps retenu le rire de la vieille cousine de Mlle Charmes. La journée finie, Églantine retrouvait la rapidité de son pas souple pour rentrer au logis où l’attendait une compagne affectueuse et gaie, et un instru-