Page:Audoux - Douce Lumiere.djvu/162

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monde. Dans cette foule élégante et bavarde, elle se sent toute dépaysée. Ici, elle sera seule, rien ne la détournera de cet agrément qu’elle préfère à tout autre. L’harmonium du voisin sera pour elle ce que disait autrefois Mlle Charmes de son piano « un compagnon fidèle qui chasse les heures pénibles ».

Et parce que sa jeune âme avide de rêve vient d’évoquer le passé, et parce que son jeune cœur a besoin de tendresse, elle suit sa pensée qui l’entraîne à Bléroux où elle retrouve un paradis dans lequel elle entre d’un seul élan. Que Paris est loin, malgré ses églises sonnant les vêpres à toute volée !

Que le patronage est loin malgré ses cris d’enfants, ses marronniers aux chandelles roses et ses acacias aux grappes lourdes, fraîches et parfumées comme des fruits mûrs et délicats.

Dans ce paradis de Bléroux elle n’est pas seule. Sous des pommiers en fleurs, un jeune garçon au beau visage vient à sa rencontre. Un chien à l’épaisse et soyeuse toison noire tourne, saute et l’accable de caresses. Accompagnée de ces deux-là, elle part à l’aventure. Ah ! ces taillis touffus et comme gonflés de silence. Ces sapinières