Page:Audoux - Douce Lumiere.djvu/63

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Églantine, sa femme, morte à dix-neuf ans.

Le cadre bien essuyé et remis en place, elle regardait encore son père et sa mère. Elle ne savait quelle ombre les enveloppait et les séparait d’elle, comme s’ils avaient voulu vivre et mourir pour eux deux seulement.

— Pourtant, dit mère Clarisse, ils se faisaient une si grande joie de ta venue au monde ! Et déjà, pour toi, ton père avait choisi le joli nom de ta mère.

Et mère Clarisse dit le chagrin de Jeanne, la grand’mère, qui n’avait pu surmonter sa peine et s’était éteinte juste un mois après ses enfants. Elle dit le terrible emportement du père Lumière, qui, ce jour-là, s’était rué sur le berceau où dormait l’innocente, et sa frayeur, à elle, pauvre femme, devant ce fou furieux qu’elle avait osé braver en se saisissant de l’enfant et se sauvant comme une voleuse à travers la sapinière. Elle dit encore le morne désespoir de cet homme devenu vieux en quelques jours, et qui avait cessé tout travail et laissé son bien à l’abandon pendant cinq années durant, vivant on ne savait comment, enfermé tout seul dans sa maison. L’apaisement venu enfin, il s’était trouvé