Page:Audoux - Douce Lumiere.djvu/76

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voix toujours un peu grave de Marc : « moi, c’est une fille ! » Il évoquait l’affreux drame, et l’horrible vie qu’il avait menée si longtemps. Puis il y avait eu le retour de la petite porte-malheur, ainsi qu’il la nommait en lui-même. Et son tout jeune chien dont il n’avait pas osé la séparer. Que de fois, au matin, il avait trouvé l’enfant et le chien dormant nez contre nez et les membres mêlés. Et encore, un peu plus tard, le développement subit de cette intelligence qui l’avait alarmé, comme une chose qui n’aurait pas dû être. Et sa propre indifférence devant laquelle la jeune fille, pas plus que l’enfant, n’avait montré d’impatience ni de révolte. Et voici que celle qu’il n’a jamais appelée sa petite-fille allait à l’amour. Et sans ce roucoulement de ce soir rien ne l’en aurait averti. Un remords lui venait. Une angoisse le prenait. Et si celui-là était un malhonnête homme ? Et s’il faisait de la fille de Marc une créature perdue ? Ah ! Comme il se sentait coupable soudainement. Et, s’il était vrai que l’on retrouve les siens dans une autre vie, que dirait-il à son fils, s’il lui demandait compte du bonheur de son enfant sur la terre ? Dans le clair de lune qui entrait par la fenêtre, et faisait tort à la veilleuse, il