Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/120

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— Voilà ! J’ai fini. Ma dernière cliente vient de partir à la mer.

Il y avait un grand contentement dans son accent.

Mais tout de suite après, elle eut un ton craintif pour dire qu’elle allait rester deux mois sans rien gagner.

Et comme si elle apercevait d’un seul coup toutes les privations du chômage, elle fit très bas :

— Ah ! mon Dieu !

Mlle Herminie avait plus de soixante-dix ans et son corps était si menu qu’on pouvait le comparer à celui d’une fillette de treize ans.

Elle gagnait sa vie à faire des raccommodages, mais la plupart du temps, elle était forcée de rester chez elle tant elle souffrait de l’estomac. Pendant les vacances d’été, elle manquait souvent du nécessaire et c’était un miracle qu’elle pût continuer à vivre.

Maintenant elle tenait une main appuyée sur le rebord de la fenêtre, et son autre main faisait une petite place claire sur sa robe noire.

À mon tour, je parlai du départ des Dalignac et du long chômage qui m’attendait. Et elle fit encore très bas :

— Ah ! mon Dieu !

Des bruits pleins de gaîté montaient des rues voisines et du boulevard. On eût dit que tous ces bruits se reconnaissaient en se rencontrant et qu’ils se mêlaient joyeusement pour éclater avec plus de force.