Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/133

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— Mariée pour de vrai ?

— Oui.

J’avais répondu si vite que j’en restais étonnée ; mais en même temps j’en éprouvais un contentement comme lorsqu’il m’arrivait de faire un saut de côté pour ne pas être renversée par un fiacre.

Le regard de la jolie femme de chambre fouilla tout mon visage, puis il descendit sur le mince cercle d’or que je portais à la main gauche, et, quand il se releva, il était chargé d’un profond mépris pour toute ma personne. Elle remit la carte dans la poche de son tablier, et elle se dirigea vers une autre jeune fille.


Tandis que je revenais lentement par les rues, l’image de Clément semblait marcher devant moi. C’était à lui que j’avais pensé en répondant que j’étais mariée, et maintenant ses épaules solides m’apparaissaient comme une chose contre laquelle je pouvais m’appuyer en toute sécurité. Ses dernières paroles me revinrent à la mémoire : « Je ne suis pas méchant, et vous n’êtes pas heureuse non plus. »

Puis ce fut sa voix forte du dîner de fête qui vint chanter à mon oreille.

Le commencement d’un couplet surtout m’obsédait :

Je voulus panser sa blessure,
    J’ouvris son uniforme blanc.

Non, il ne devait pas être méchant, et il avait grandi auprès de Mme Dalignac.