Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/140

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jours après la visite de Mme Doublé, il arriva sans avoir prévenu de son retour.

Il était sans forces et pouvait à peine se tenir debout. Et, comme Mme Dalignac s’inquiétait tout affolée, il lui montra une lettre de sa sœur.

Sa confiance ne fut pas longue à revenir.

Il comprit vite la nouvelle organisation et il remisa lui-même sa machine à broder tout au fond de l’atelier.

Le travail allait bon train, mais l’intimité d’autrefois n’existait plus. C’était à chaque instant des disputes ou des rires bruyants que le patron ne savait pas faire cesser. Et la plupart des nouvelles laissaient entendre qu’elles ne reviendraient pas le lendemain si on les ennuyait avec des remontrances. Quelques-unes ne se gênaient pas pour se moquer de l’accent du patron. Comme il prononçait crante au lieu de quarante, on confondait souvent avec trente, et cela causait des erreurs dans les mesures. Aussi, on entendait tout à coup une voie hardie :

— Patron, combien faut-il de centimètres à l’encolure du vêtement bleu ?

— Crante… répondait le patron.

Et la voie hardie reprenait :

— Ça prend-il un 3 ou un 4, votre chiffre ?

Il n’osait pas se fâcher, mais il disait à sa femme :

— Elles sont un peu trop libres.

Aux heures de livraisons, un affolement gagnait tout le monde. Le patron vérifiait en hâte les