Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/172

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air de bataille et semblait prête à défendre quelqu’un, mais au premier regard sur Gabielle, elle dit seulement à notre adresse :

— Elle ne doit compte d’elle-même à personne.

Gabielle s’était accotée à la table de coupe en cachant sa figure dans son bras, comme une gamine qui craint les coups.

— N’aie pas honte, va ! Toutes les filles ont des amoureux, lui dit Bergeounette.

Et tout doucement elle lui découvrit le visage.

Alors Gabielle parla d’un ton navré :

— Je le vois bien, que je vais avoir un enfant, mais je ne sais pas comment cela peut se faire, puisque je n’ai pas d’amoureux.

— Est-ce qu’il vous a abandonnée ? demanda Mme Dalignac.

— Non.

— Est-ce qu’il est mort ? demanda à son tour Bergeounette.

— Non, répondit encore Gabielle.

Devant notre silence, elle reprit :

— Personne ne me croira, et pourtant je dis la vérité. Je n’ai jamais eu d’amoureux.

Bergeounette prit le parti de rire.

— Comment ! Tu étais toute seule pour faire cette merveille ?

— Je ne sais pas, dit Gabielle.

Et elle nous regardait comme si elle attendait de nous des éclaircissements sur son état.

À travers des questions très précises, Bergeounette continuait ses plaisanteries. Et toujours