Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/175

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— Moi, je ne vais au bal que pour danser.

Le travail continua de battre son plein et Gabielle ne fit pas moins ronfler sa machine que par le passé. Il lui arriva seulement de l’arrêter un peu brusquement pour poser deux questions à Bergeounette :

— Alors ! il me faudra aussi accoucher ?

— Bien sûr !

— Comme une femme mariée ?

— Dame oui ! Tout pareil, répondit Bergeounette en se moquant un peu.

La machine repartit d’un train qui mit longtemps à reprendre son aplomb.


Quand elle en fut à son huitième mois, Gabielle se montra pleine de révolte. Toute sa colère qu’elle ne savait à qui adresser retombait sur l’enfant à naître.

— Voyez un peu comme il m’arrange, disait-elle.

Et elle rejetait ses bras en arrière pour accentuer sa difformité.

Il devint bientôt impossible d’imaginer qu’elle avait pu être aimable et rieuse.

C’était maintenant une femme au visage dur, et à l’air désenchanté qui portait sa grossesse comme un mal affreux et insupportable. Pendant le jour, dans le bruit assourdissant de l’atelier, elle semblait parfois oublier son état, mais le soir après le départ des autres, elle laissait échapper toute sa rancune contre l’enfant.