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chambre du patron. J’en revoyais l’écriture effacée et la date perdue, et j’imaginais les communiants et les communiantes se relevant de la sainte table et se rejoignant par couples comme dans les mariages, lorsque les époux sortent de l’église.


Un autre soir, ce fut toute son enfance que Mme Dalignac nous raconta. Une enfance triste dont elle gardait un souvenir craintif et plein d’amertume.

Sa mère n’avait jamais pu lui pardonner d’être venue au monde alors qu’elle se croyait de par son âge à l’abri de toute maternité. « Tu me fais honte », lui disait-elle.

Et jamais elle ne lui permettait de rire ni de jouer avec les autres petites filles.

Jusqu’à l’âge de six ans, l’enfant avait connu les caresses de son père, mais à la mort du brave homme, elle n’avait plus trouvé autour d’elle que la haine menaçante de sa mère. Au moment de l’apprentissage elle avait dû faire chaque jour un long détour par une rue sale et peu fréquentée pour se rendre chez la couturière qui l’occupait. Son départ comme son arrivée étaient attentivement surveillés, et lorsqu’un jour, entraînée par les camarades, elle avait osé revenir par la plus belle rue de la ville, sa mère l’avait frappée avec un tel acharnement qu’elle avait pensé en perdre la vie.

Et toujours elle entendait ces mots qu’elle n’arrivait pas à comprendre :