Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/204

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Elle était là justement, la gentille Églantine.

Elle ne pouvait se décider à quitter son malade, et sur son visage contracté on voyait l’effort qu’elle faisait pour trouver un moyen de préparer Mme Dalignac à son malheur.

Dès sa sortie Mme Doublé avait dû aller aussi en secret chez M. Bon, car le soir même, elle nous rejoignit sans bruit dans l’atelier. Elle n’avait pas son air arrogant, mais sa voix manquait quand même de douceur, lorsqu’elle dit à Mme Dalignac :

— Le savez-vous, que mon frère est très malade ?

Mme Dalignac eut un haut-le-corps comme si on lui annonçait une nouvelle maladie de son mari. Et Mme Doublé reprit d’une voix moins dure :

— Le pôvre, il sera peut-être mort demain.

Et comme Mme Dalignac la regardait avec méfiance, elle eut un geste du pouce, en disant :

— Demandez plutôt à ces jeunes filles.

Églantine fit un pas vif qui la rapprocha de moi, et sa main s’accrocha solidement à la mienne.

Mme Dalignac nous vit ainsi, elle ne nous demanda rien, mais ses traits se déformèrent et elle s’assit brusquement sur la table.

Comme s’il n’avait attendu que cet avertissement pour mourir, le patron nous appela :

— Eh ! Venez ici.

Son regard hésita sur nos quatre visages penchés, mais quand il eut reconnu celui de sa femme il n’en détourna plus les yeux. Pendant