Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/215

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— Autrefois, dit-elle tout à coup, on les appelait les trois petites demoiselles.

Elle se leva en reprenant :

— Eux aussi ont vu la vigne plus belle. Alors elle était fraîche et saine avec des feuilles couleur de miel.

Elle eut un geste de dégoût :

— Maintenant, elle est comme du pain gâté.

Elle n’avait plus de joie, et son bras pesa lourd au mien tandis que nous redescendions la côte. Pourtant les chemins herbus qui se croisaient ou se rejoignaient étaient pleins de sauterelles et de papillons. Chacun de nos pas les faisaient lever par douzaines. À terre ils se confondaient avec la poussière et les herbes ; mais quand ils s’envolaient, leurs ailes ouvertes laissaient voir toutes les couleurs des fleurs.

La route qu’elle me fit prendre en bas était bordée de peupliers qui bruissaient sans fin dans l’air chaud. Tout à côté la rivière coulait pleine et claire, et son chuchotement montait vers les arbres et en augmentait le bruit joyeux.

Mlle Herminie chercha une place pour s’asseoir de nouveau, et n’en trouvant pas, elle s’adossa à l’un des peupliers. Son regard erra d’un endroit à l’autre et elle dit lentement :

— Comme tout est triste ici !

Je protestai malgré moi :

— Triste ! cette belle route et cette jolie rivière qui voyagent de compagnie et semblent rire ensemble tout le long du chemin.