Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/218

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immense jardin tout en longueur où les treilles encadraient les légumes et où les rosiers trouvaient aussi leur place. Les arbres fruitiers poussés au hasard étaient pour la plupart des pêchers. L’un d’eux trop chargé de fruits appuyait ses branches sur des piquets en fourches, et autour de lui, les abeilles et les guêpes faisaient un grand concert de bourdonnements. Sur la branche la plus élevée, un rouge-gorge gazouillait : « Tzille-tzille, Terrruis-tzille, Tzille-tzille ». Il se trémoussait et se dépêchait comme s’il lui fallait absolument finir sa chanson avant la nuit. Il était de la même couleur que les pêches et il semblait lui-même un fruit que le soleil avait rougi par places.

À peu de distance du potager s’élevait une cabane faite de briques dégradées et de planches déclouées. Tout autour de la cabane, ce n’était que détritus et pierrailles, mais du milieu de ce fouillis sortait un figuier si touffu qu’il ne permettait pas aux gens de la maison de voir ce qui se passait derrière lui.

Ce fut le coin que Mlle Herminie choisit pour s’asseoir. Elle le connaissait bien ce figuier poussé là sans qu’on sût comment, et dont les branches noueuses et douces avaient l’air de membres cassés et mal remis. Elle connaissait bien aussi la vieille cabane à peine plus dégradée que de son temps. Elle s’y était abritée par les jours de pluie dans son enfance, et elle s’y était réfugiée plus tard pour y pleurer à l’aise son amour perdu. Le