Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/30

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monde savait que la robe allait bien, que le voile avait été disposé à la nouvelle mode, et que la pauvre Sandrine venait d’apprendre que son Jacques était marié à une jeune fille riche depuis une semaine déjà.

Il y eut comme une épouvante qui sembla commander le silence. Puis le patron baissa la tête et recula jusqu’à son tabouret, pendant que sa femme s’avançait lentement vers Sandrine, comme si elle y était attirée contre sa volonté.

Ce fut Bouledogue qui ramena le bruit en lançant des mots injurieux à l’adresse de Jacques. Bergeounette secoua les épaules comme si elle voulait se débarrasser d’un manteau gênant. La petite Duretour se mit à pleurer tout haut. Et quand enfin je ramenai mon regard sur la machine à coudre, je m’aperçus que je serrais fortement la burette contre ma poitrine, et que l’huile tombait goutte à goutte sur mes vêtements.

C’était chez la mère de Jacques que Sandrine avait appris son malheur. Comme la vieille dame lui avait toujours témoigné de l’amitié, elle n’avait pu résister au désir de monter prendre de ses nouvelles en passant devant sa demeure. Mais là, au lieu d’une malade, elle avait trouvé une personne bien portante et gaie qui lui avait dit tout de suite :

— Jacques a fait un beau mariage.

Et après avoir donné beaucoup de détails sur le bonheur de son fils et la beauté de sa bru, elle avait renvoyé doucement Sandrine en lui disant :