Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/61

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venait de la prochaine morte-saison, et chacune de nous disait tout haut son espoir d’éviter la fabrique.

Seule Bergeounette se moquait de cela, comme elle se moquait de tout le reste. Elle réussissait même à calmer Bouledogue en attirant adroitement son attention sur des soirées dansantes que des petites sociétés d’ouvriers donnaient, ici ou là, dans le quartier de Plaisance. Bouledogue aimait la danse par-dessus tout. Sa voix devenait tout autre pour s’informer de la date exacte et du lieu où devait se donner le bal.

Son amour de la danse l’obligeait à faire toutes sortes de mensonges à sa grand’mère à qui elle n’osait l’avouer.

Elle avait heureusement une cousine de son âge qui partageait son goût. En s’entendant à l’avance, elles trompaient la grand’mère et se rendaient libres.

Pendant l’été, elles allaient jusqu’à Robinson, mais c’était loin, et le train qui devait les ramener ne leur laissait qu’une heure de répit. Aussi elles ne perdaient pas une minute, elles couraient d’une traite de la gare à la salle de bal. Et là, sans s’occuper des garçons en quête de danseuses, elles s’enlaçaient et dansaient avec l’angoisse constante de manquer le train du retour.

L’hiver, elles allaient au bal Bullier, mais si elles n’avaient plus le souci du voyage, elles craignaient d’être reconnues et dénoncées. Bouledogue en avait une crainte si intense qu’elle