Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/80

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Elle laissait traîner sa voix comme si elle eût voulu allonger indéfiniment les beaux jours, et pendant ce temps, toutes les mains semblaient plus actives à l’ouvrage.


Le patron, qui se plaignait d’une grande fatigue, s’évanouit un jour à sa machine. Cependant il reprit le travail, car il voulait terminer au plus vite le manteau de Mme Moulin.

Mme Moulin était une très bonne cliente, mais elle changeait toujours d’idée lorsque ses vêtements étaient à moitié faits.

Au premier essayage elle avait une joie enfantine. Tout lui plaisait, mais le lendemain elle demandait à revoir la robe. Elle la tournait et la retournait en disant d’un ton triste :

— Je la trouve très bien. Elle sera très jolie.

Puis toujours du même ton triste elle parlait de ses amies qui avaient des robes comme ceci et comme cela, et qui lui conseillaient de faire faire la sienne toute pareille.

Elle soupirait d’un air si malheureux que Mme Dalignac la prenait en pitié et nous disait après son départ :

— Mettez sa robe de côté, elle ne lui plaît pas.

Et lorsque Mme Moulin revenait, elle riait fort en apprenant qu’on pouvait faire les changements désirés.

Trois fois déjà on avait changé la garniture de son manteau. La veille encore, elle avait fouillé