Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/92

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s’affaissa comme si elle allait tomber en faiblesse. Alors la petite Duretour lui parla avec autorité :

— Pourquoi vous tourmenter comme ça ? Ce monsieur ne vient pas pour essayer une robe.

Mme Dalignac se mit à rire avec un peu de pitié sur elle-même. Elle redressa les épaules et s’en alla retrouver le monsieur.

C’était un placier en broderies. Elle ne resta que quelques minutes près de lui, et au retour elle riait encore de son angoisse sans motif.

Nos veillées continuaient. Nous passions une nuit sur deux pour achever le plus pressé.

Il y avait des nuits si dures que le sommeil finissait par nous vaincre et que le patron nous retrouvait endormies, la tête sur la table. Nous étions toutes raidies par le froid, et la joue que nous avions appuyée sur le bras restait longtemps fripée.

Le patron nous grondait :

— Vous feriez mieux de vous étendre par terre.

Et pendant que nous reprenions notre ouvrage, il s’en allait à la cuisine nous faire du café très fort.

Nous buvions le café en quelques gorgées rapides. Je le trouvais parfois si amer que je ne pouvais m’empêcher de faire la grimace, mais Mme Dalignac disait :

— Bah ! le goût ne compte pas. C’est comme lorsqu’on met de l’huile dans la machine.

Une intimité confiante nous liait à présent.

Quand la fatigue nous laissait quelque répit,