Page:Audoux - La Fiancee.djvu/205

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cher tout près. Il regarda la porte avec inquiétude et quand je fus penchée sur lui, il me dit à l’oreille : « Il y a des nègres derrière la porte, ils viennent chercher mon petit garçon, donne-leur des sous pour qu’ils s’en aillent. »

Malgré moi, je demandai : « Des nègres ? »

— Oui, oui, me dit-il, tiens les voilà, maintenant, qui viennent cracher sur mon lit. »

Je haussai la voix comme pour chasser des mendiants et jusqu’au dernier jour, il ne cessa de crier que des nègres voulaient lui voler son enfant. Pour le calmer il me fallait jeter de grosses poignées de sous vers la porte.

Une minute avant de mourir il se dressa en criant : « Je veux mon fils. » Puis il arrondit les bras comme s’il tenait l’enfant, et quand tout fut fini son visage garda l’expression d’un sourire.

En rentrant du cimetière, il me fallut répondre à mes enfants qui demandaient où était leur père. Je tâchai de leur expliquer qu’il était parti en voyage. Mes deux fillettes ne doutèrent pas de mes paroles, mais mon petit Raymond leva vers moi son joli visage