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MARIE-CLAIRE

cesse en se renversant en arrière. Ses yeux noirs avaient la prunelle si large, qu’on ne voyait presque pas le blanc.

Je me sentais attirée vers elle ; j’aurais voulu être son amie. Elle paraissait très fière, et quand je lui rendais un petit service, elle avait une façon de me dire : « Merci, petite », qui me renvoyait tout de suite à mes douze ans.

Madeleine prit un air mystérieux pour me dire qu’il était bien défendu de parler seule avec Colette ; et quand je voulus savoir pourquoi, elle s’embrouilla dans une histoire longue et compliquée qui ne m’apprit rien du tout.

Je m’adressai à Bonne Justine, qui fit les mêmes simagrées pour me dire qu’on disait beaucoup de mal de Colette, et qu’une petite fille comme moi ne devait pas s’approcher d’elle.

Je ne pus jamais parvenir à comprendre pourquoi. À force de la regarder, je m’aperçus que chaque fois qu’une grande lui donnait le bras pour la promener un peu, il en venait tout de suite trois ou quatre qui causaient et riaient avec elle.