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MARIE-CLAIRE


J’arrivai à la route plus vite que je ne pensais ; je tournai à gauche comme je l’avais vu faire au fermier quand il allait au marché de la ville. Et voilà qu’un peu plus loin la route se séparait en deux. Je ne savais plus laquelle prendre. Je m’engageai tantôt dans l’une, tantôt dans l’autre. Celle de gauche m’attirait davantage ; je la pris, et je marchai très vite pour rattraper le temps perdu.

Dans le lointain, j’apercevais une masse noire qui couvrait tout le pays. Cela semblait s’avancer lentement vers moi, et pendant un instant j’eus envie de retourner sur mes pas. Un chien qui se mit à aboyer me rendit un peu de confiance, et presque aussitôt je reconnus que la masse noire était une forêt que la route allait traverser. En y entrant, il me sembla que le vent était encore plus violent. Il soufflait par rafales, et les arbres, qui se heurtaient avec force, faisaient entendre des plaintes en se penchant très bas. J’entendais de longs sifflements, des craquements et des chutes de branches ; puis j’entendis marcher derrière moi, et je sentis qu’on me touchait à l’épaule. Je me retournai vivement, mais je ne vis personne. Pourtant j’étais sûre que quelqu’un m’avait touchée du doigt ; puis les pas continuaient comme si une personne invisible tournait autour de moi ; alors je me mis à courir avec une telle vitesse que je ne sentais plus si mes pieds touchaient la terre. Les cailloux sautaient sous mes souliers et re-