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MARIE-CLAIRE

avoir tourné bride la voiture repartit à grand train.

En rentrant dans la forêt, maître Sylvain mit la jument au pas. Il se tourna vers moi et dit en me regardant :

— C’est heureux pour toi que je t’aie rattrapée ; sans cela on t’aurait ramenée entre deux gendarmes.

Comme je ne répondais pas, il reprit :

— Tu ne sais peut-être pas qu’il y a des gendarmes pour ramener les petites filles qui se sauvent ?

Je répondis :

— Je veux aller voir sœur Marie-Aimée.

Il demanda :

— Tu es donc malheureuse chez nous ?

Je répondis encore :

— Je veux aller voir sœur Marie-Aimée.

Il avait l’air de ne pas comprendre, et il continuait ses questions, en nommant chaque personne de la ferme pour savoir de qui j’avais à me plaindre. Et chaque fois je répondais la même chose.

À la fin il perdit patience, et se redressa en disant :

— Quelle entêtée !

Je levai les yeux sur lui pour dire que je me sauverais encore s’il ne voulait pas me conduire vers sœur Marie-Aimée. Je continuai de le regarder en attendant sa réponse, et je vis bien qu’il était embarrassé. Il resta un long moment à