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MARIE-CLAIRE

pour mettre une couverture de plus sur mon lit ; et après m’avoir souhaité le bonsoir, elle me défendit de lui dire Madame : elle voulait que je l’appelle tout simplement Pauline ; puis elle s’en alla après m’avoir dit que j’étais un peu l’enfant de la maison, et qu’elle ferait tout son possible pour que je m’habitue à la ferme.

Le lendemain maître Sylvain me fit asseoir à table à côté de son frère. Il lui dit en riant qu’il ne fallait pas me laisser jeûner, parce que j’avais bien besoin de grandir.

Le frère du fermier s’appelait Eugène ; il parlait très peu, mais il regardait toujours ceux qui parlaient, et ses petits yeux avaient souvent l’air de se moquer. Il avait trente ans, mais il n’en paraissait pas beaucoup plus de vingt. Il savait toujours répondre à ce qu’on lui demandait, et je ne sentais aucune gêne près de lui.

Il se serra près du mur pour me faire plus de place à table, et il répondit seulement au fermier :

— Sois tranquille.

Maintenant que tous les champs étaient labourés, Martine menait ses brebis très loin sur des pâturages qu’elle appelait « les Communs » . Le vacher et moi, menions nos bêtes le long des près et dans les bois où il y avait de la bruyère. Je souffrais beaucoup du froid, malgré un grand manteau de laine qui me couvrait jusqu’aux pieds. Le vacher allumait souvent du feu ; il partageait avec moi