Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/199

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

se retirer dans des régions si reculées et si sauvages. « C’est, me répondit-il, que le monde se fait maintenant trop nombreux pour qu’on puisse vivre à l’aise sur le sol de la Nouvelle-Angleterre. » Je songeai alors à l’état de quelques parties de l’Europe, et calculant la densité de leur population comparée à celle de la Nouvelle-Angleterre, je me dis en moi-même : Combien donc doit-il être plus difficile à l’homme de vivre dans ces contrées que surchargent tant et tant d’habitants ! La conversation changea ; et le pionnier, ses fils et moi, nous parlâmes longtemps chasse et pêche. Mais à la fin, la fatigue nous gagnant, nous nous étendîmes sur les tapis de peau d’ours, et reposâmes en paix tous ensemble dans le seul appartement dont se composât la hutte.

Au retour de l’aurore, je fus éveillé par la voix du pionnier appelant ses porcs qu’il laissait errer à l’état à demi-sauvage, dans les bois. J’étais d’avance tout habillé, et je l’eus bientôt rejoint. Les pourceaux arrivaient en grognant, au cri bien connu de leur maître. Il leur jeta quelques têtes de maïs ; et les ayant comptés, il me dit que depuis plusieurs semaines leur nombre diminuait rapidement, à cause du grand ravage que faisait parmi eux une redoutable panthère : c’est le nom par lequel on désigne le couguar en Amérique. Cet animal vorace ne se contentait pas seulement de la chair de ses cochons de lait, mais lui emportait de temps en temps un veau, malgré tout ce qu’il avait pu tenter pour le détruire. La peintère, comme il l’appelait aussi quelquefois, ne s’était pas gênée pour lui voler, en diverses occasions, un daim, fruit de sa chasse ; et à ces