Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/260

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l’on plaça une petite lumière de pomme de pin dans une calebasse qu’on avait creusée. Je m’apercevais bien que le mari et la femme avaient grande envie de me communiquer quelque chose ; moi de même, désormais libre de toute crainte, je désirais les voir se décharger le cœur. Enfin le fugitif me raconta l’histoire dont voici la substance :

« Il y avait environ huit mois qu’un planteur des environs ayant éprouvé quelques pertes, avait été obligé de vendre ses esclaves aux enchères. On connaissait la valeur de ses nègres ; et au jour dit, le crieur les avait exposés soit par petits lots, soit un à un, suivant qu’il le jugeait plus avantageux à leur propriétaire. Le fugitif, qu’on savait avoir le plus de valeur, après sa femme, fut mis en vente à part, et poussé à un prix excessif. Pour la femme, qui vint ensuite et seule aussi, on en demanda huit cents dollars qui furent sur-le-champ comptés. Enfin arriva le tour des enfants, et à cause de leur race on les porta à de hauts prix. Le reste des esclaves fut vendu, chacun en raison de sa propre valeur.

» Le fugitif eut la chance d’être adjugé à l’intendant de la plantation ; la femme fut achetée par un individu demeurant à environ cent milles de là ; et les enfants se virent dispersés en différents endroits, le long de la rivière. Le cœur de l’époux et du père défaillit sous cette dure calamité. Quelque temps il souffrit d’un désespoir profond, sous son nouveau maître ; mais ayant retenu dans sa mémoire le nom des diverses personnes qui avaient acheté chacune une partie de sa