Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/340

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lorsqu’ainsi que moi, vous l’aurez vu mainte et mainte fois passer au-dessus d’objets bien propres à exciter son vorace appétit, sans en avoir aucune connaissance, parce qu’il ne les voit pas ; lorsqu’enfin vous aurez observé l’avide vautour, poussé par la faim ou plutôt par la famine, se précipitant comme le vent et descendant en cercles rapides, dès qu’une charogne a frappé ses regards : alors vous renoncerez à cette vieille croyance, si profondément enracinée, à savoir que cet oiseau possède la faculté de découvrir la proie, à une immense distance, par le moyen de l’odorat.

Cette puissance, cette finesse de l’odorat chez le vautour, je l’acceptai comme un fait dès ma jeunesse ; j’avais lu cela, étant enfant, et bon nombre de théoriciens auxquels j’en parlai dans la suite, me répétèrent la même chose avec enthousiasme, d’autant plus qu’ils regardaient cette faculté comme un don extraordinaire de la nature. Mais j’avais déjà remarqué que la nature, quelque étonnante que fût sa bonté, n’avait pourtant point accordé à chacun plus qu’il ne lui était nécessaire, et que jamais le même individu n’était doué, à la fois, de deux sens portés à un très haut degré de perfection ; en sorte que si ce vautour possédait un odorat si excellent, il ne devait pas avoir besoin d’une vue si perçante, et vice versa.

Après avoir vécu plusieurs années parmi ces vautours, du temps de mes courses à travers les États-Unis ; après m’être assuré, par mille et mille observations, qu’ils ne me sentaient nullement quand j’approchais d’eux, caché par un arbre, même à quelques pas, tandis