Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/398

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poussèrent en avant, avec une ardeur que certes ne connurent jamais les plus farouches tribus qui les premières furent en possession de cette terre.

Les Virginiens se précipitèrent en foule vers l’Ohio : une hache, un couple de chevaux, une bonne carabine et force munitions, que fallait-il de plus à l’équipement d’un homme qui, suivi de sa famille, partait pour le nouvel État ? Ne savait-il pas que l’exubérante richesse du pays devait fournir amplement à tout ce qui lui manquerait ?

Celui qui une fois a été témoin de l’industrie et de la persévérance de ces émigrants, a pu juger, en même temps, de quelle façon leur âme était trempée : insouciants de la fatigue qui les attendait à chaque pas, ils pénétraient résolûment à travers une région inexplorée, couverte d’inextricables forêts, se guidant uniquement sur le soleil, et la nuit couchant sur la dure. Tantôt c’étaient d’innombrables cours d’eau qu’il leur fallait passer à l’aide de radeaux, avec femme, enfants, bestiaux et le reste du bagage ; obligés souvent de se laisser aller pendant des heures à la dérive, avant de pouvoir débarquer sur l’autre bord ; tantôt c’étaient leurs troupeaux qui se dispersaient parmi les rizières du rivage et les y retenaient des jours entiers. À ces causes de trouble, ajoutez le danger sans cesse menaçant d’être assassinés, pendant leur sommeil, par des Indiens sans pitié qui rôdaient autour de leurs campements ; enfin la perspective de plusieurs centaines de milles à parcourir, avant d’atteindre les lieux de rendez-vous, appelés stations ; et certes, vous avouerez qu’af-