Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/410

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ciles à se procurer, j’entendais l’amateur ou le naturaliste de cabinet se plaindre qu’on en demandât une demi-couronne[1]. Notez que le pauvre diable qui osait mettre son oiseau à un si haut prix, l’avait peut-être poursuivi pendant des milles, à travers ces marais que vous savez ; et qu’après l’avoir pris et préparé de son mieux, il avait dû faire encore des centaines de milles pour l’apporter au marché ! J’aimerais autant, je l’avoue, entendre quelque maître sot se plaindre de l’aspect mesquin de la galerie du Louvre qu’il vient de parcourir sans bourse délier ; ou voir un connaisseur de la même force, se lamenter de la perte de son shilling[2], tout en promenant son illustre personne à travers les salles de l’Académie royale de Londres ou dans toute autre collection artistique d’une égale valeur.

Mais revenons à notre histoire.

Le vol de ce pic est particulièrement gracieux ; rarement le prolonge-t-il plus de cent verges d’un trait, si ce n’est lorsqu’il lui faut traverser quelque grande rivière. Alors il décrit de profondes courbes ; d’abord ses ailes s’ouvrent de toute leur largeur, puis il les referme, pour renouveler bientôt son premier effort d’impulsion. Le passage d’un arbre à l’autre, quand même la distance serait de plus de cent pas, s’accomplit d’un seul mouvement ; et l’on dirait que l’oiseau se

  1. Trois francs.
  2. On sait qu’à Londres il faut payer (ordinairement un shilling) pour visiter les monuments, les musées et les collections, que le public à Paris est admis à voir pour rien.