Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/105

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

faction que j’éprouvai. La surface des eaux calme et paisible, d’un vert magnifique et transparente comme une glace, n’était agitée que par notre sillage et les évolutions du pélican qui plongeait soudain du haut des airs et fondait, les mandibules ouvertes, sur sa proie. Les navires de notre flottille, la voile tendue au souffle de la brise, et faisant jaillir la blanche écume de chaque côté de la proue, glissaient silencieux, semblables à des îles d’ombres vaporeuses, sur une mer immobile de lumière. À quelques verges seulement, et jusque sous nous, des troupes de poissons plongeaient et se jouaient au sein des ondes, parmi les varechs, les éponges, les pennatules[1] et les coraux, dont le fond était émaillé. À droite commençaient à se montrer les clefs de la Floride, paraissant, de cette distance, comme autant de points perdus à l’immense horizon, mais qui, à mesure que nous approchions, grandissaient, grandissaient, revêtues de la plus riche livrée du printemps, et offrant à nos regards une variété de couleurs et de nuances qu’adoucissaient encore et rendaient plus délicates la pureté des cieux et l’éclat du soleil au-dessus de nos têtes. C’était un spectacle féerique ; mon cœur battait, et ravi d’admiration, je m’écriai dans la langue de Scott :


« Vois ces mers enlaçant, de leurs vagues profondes,
» Trois cents îles, là-bas, éparses sur les ondes. »



Les vents alizés nous caressaient de leur haleine fraîche

  1. Genre de zoophytes marins dont la forme rappelle assez bien celle d’une plume.