Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/209

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heures de suite, et d’habitude fait très bonne pêche. Sur la côte du Labrador, je voyais ces oiseaux longer les bas-fonds de la mer et prendre des plies. Parfois ils essayaient de les avaler tout entières ; mais ne pouvant en venir à bout, ils gagnaient quelque rocher, les battaient contre la pierre, puis les déchiraient par morceaux. Ils paraissent digérer sans peine les plumes, les os et autres parties dures, et ne dégorgent que pour nourrir leurs petits, ou celui d’entre eux qui est occupé à couver ; à moins encore qu’ils ne se sentent blessés et sur le point d’être pris par l’homme, ou qu’ils ne soient poursuivis par quelque oiseau plus fort qu’eux. Un jour, à Boston, je vis un de ces Goëlands prendre, sur un banc de vase, une anguille qui n’avait pas moins de quinze à dix-huit pouces de long. Il s’enleva péniblement, parvint après de grands efforts à en avaler la tête, et se dirigeait vers le rivage en emportant sa proie, lorsque survint un aigle à tête blanche qui, traitant en maître l’infortuné Goëland, l’eût bientôt forcé à s’en dessaisir. Alors l’aigle, se laissant glisser après l’anguille, la rattrapa avant qu’elle eût touché l’eau, et fuit tranquillement en la tenant dans ses serres.

Cet oiseau est excessivement farouche et vigilant ; même au Labrador, nous ne pûmes nous en procurer qu’une douzaine de vieux, encore après beaucoup de difficultés, et en recourant à toutes sortes de stratagèmes. Ils épiaient nos mouvements avec tant de soin, qu’ils ne se hasardaient en aucun cas à dépasser certain rocher derrière lequel ils pouvaient craindre que quelqu’un de nous ne se tînt en embuscade. Pendant