Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/230

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dessus d’un lit de mousse ou d’autres plantes, pour voir si la mère les laisserait tomber d’eux-mêmes de cette hauteur, ce que le canard huppé ne craint pas de faire en pareil cas ; mais malheureusement je manquai d’occasion pour m’en instruire. On ne peut se figurer tous les soins qui, pendant quelques semaines, sont prodigués à ces tendres petits. La femelle Eider les range autour d’elle avec sollicitude, et les conduit aux eaux peu profondes où ils apprennent à se procurer la nourriture en plongeant ; parfois, quand ils sont fatigués et trop loin du rivage, elle s’enfonce sous l’eau et les reçoit sur son dos où ils se reposent quelques minutes. À l’approche de leur cruel ennemi, le grand goëland, elle bat l’eau de ses ailes et la fait rejaillir de tous côtés, comme pour l’étourdir ou l’aveugler, et se dérober plus facilement à sa vue ; alors, à un cri particulier qu’elle pousse, les petits plongent dans toutes les directions, tandis qu’elle tâche d’attirer le danger sur elle seule, en feignant d’être blessée. D’autres fois, elle s’élance hors de l’eau sur l’agresseur, et souvent avec tant de force et de courage, que lui-même, honteux et battu, se trouve heureux de pouvoir en être quitte en s’échappant. Alors, elle revient se poser près des rochers parmi lesquels elle espère rejoindre sa famille que son doux appel a bientôt réunie à ses côtés. Plusieurs fois, j’ai vu deux femelles s’attacher l’une à l’autre, sans doute pour assurer une protection plus efficace à leur chère couvée ; et il est rare, en effet, qu’en face de cette alliance défensive, le goëland se hasarde à assaillir ces mères prudentes.