Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/307

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Mais aucun souffle d’air ne vint à notre aide, ni ce jour-là, ni même le suivant. Les matelots étaient désespérés, et moi aussi je me serais sans doute abandonné au même découragement, si un énorme dauphin ne fût venu fort à propos mordre à ma ligne. Quand je l’eus hissé à bord, je le reconnus pour l’un des plus gros que j’eusse jamais pris. C’était réellement un superbe animal ; je l’admirais pendant qu’il frissonnait dans les angoisses de la mort ; sa queue battait le pont retentissant avec un bruit semblable au roulement d’un tambour, et sur son corps se succédaient les plus magnifiques changements de couleur. En un instant il passait du bleu au vert ; il brillait comme l’argent, resplendissait comme l’or, d’autres fois présentait les reflets du cuivre bruni, ou bien laissait voir toutes les teintes entremêlées de l’arc-en-ciel !… Mais hélas ! il vient d’expirer, et soudain a cessé le chatoiement de la lumière. Lui aussi, il s’est endormi dans ce calme profond qui paralyse l’énergie des vents aux bruyantes haleines, et depuis trop longtemps aplanit les vagues orgueilleuses de l’Océan.

Le meilleur appât, pour la pêche au dauphin, est une longue tranche de chair de requin ; et je crois qu’en effet il préfère cette amorce à celle par laquelle on figure un poisson volant, et qu’il ne peut saisir que lorsque le vaisseau est en panne, et qu’on a soin de la tenir à la surface. Cependant, en certains moments, quand la faim le presse et qu’il ne trouve pas mieux, il se jette sur toute sorte d’appât. J’en ai même vu prendre avec un simple morceau d’étoffe blanche attachée à