Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/385

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trop profondes pour qu’ils y puissent trouver leur nourriture, ils s’envolent, chaque matin, pour descendre la baie et revenir avec le soir. La plupart se nourrissent de la même herbe qui croît abondamment dans les bas-fonds de la baie et les eaux adjacentes et qu’on appelle l’herbe aux Canards, ou Vallisnérie d’Amérique. Elle a d’ordinaire de six à dix-huit pouces de haut et s’arrache très facilement. Des personnes qui ont observé de près nos Canards, lorsqu’ils vont pour manger, disent que, de même que le millouinan, ils plongent pour se procurer cette herbe, se contentant eux-mêmes des racines, tandis que le jensen et le millouin prennent les feuilles. En effet, bien que le jensen soit beaucoup plus petit que le Canard de la Vallisnérie, il ne se gêne pas, affirme-t-on, pour lui dérober tout le butin qu’il rapporte, au moment même où il revient du fond de l’eau.

» Toutes ces grosses espèces cherchent la pâture de compagnie, mais se séparent quand elles s’envolent. Qu’elles vivent les unes et les autres de la même herbe, cela est évident, leur chair à tous ayant le même fumet : si bien que les individus dont le goût est le plus exercé sous ce rapport sont embarrassés pour dire à quelle espèce ils ont affaire ; cependant le jensen est celui qu’on préfère généralement.

» Vers le milieu de décembre, surtout quand l’hiver a été un peu rigoureux, ces différents canards sont devenus si gras, que j’en ai vu dont la gorge crevait en tombant sur l’eau. Dès lors, comme ils dépensent moins de temps à manger, ils passent et repassent, matin et soir,