Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/458

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tantôt sur un long bayou salé, tantôt dans un étroit passage dont ils parcouraient toutes les sinuosités, se baissaient de temps à autre vers l’eau qu’ils écumaient de leur bec ; et dès qu’ils avaient attrapé une crevette ou un petit poisson, ils prenaient leur vol en les mâchonnant et les avalaient en l’air. Un jour, sur l’île Galveston, accompagné d’Édouard Harris et de mon fils, je remarquai trois de ces oiseaux qui, voyant passer au-dessus d’eux un héron de nuit, s’enlevèrent à la fois pour lui donner la chasse et le poursuivirent assez loin comme s’ils eussent voulu le prendre. Leurs cris, en pareil cas, ressemblent aux jappements d’un très petit chien.

Le vol de l’Écumeur noir surpasse peut-être en élégance celui de tout autre oiseau d’eau. La grande envergure de ses ailes effilées, les justes proportions de sa queue allongée et fourchue, son corps mince, et l’extrême aplatissement de son bec contribuent également à lui donner cette grâce, cette aisance de mouvements qu’on ne peut bien admirer que lorsqu’il a pris l’essor. Il sait se maintenir contre l’ouragan le plus impétueux ; et l’on n’a pas d’exemple, je crois, qu’aucun oiseau de cette espèce ait jamais été jeté dans l’intérieur des terres par la violence de la tempête. Mais où il se présente avec tous ses avantages, c’est aux lieux mêmes qu’il choisit pour retraites au temps de ses amours : là, vous voyez plusieurs mâles que la passion transporte, harceler une seule femelle non encore appariée ; timide et réservée, celle-ci s’élance, fait des feintes, et d’une aile merveilleusement légère, trompe