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LE FOU DE BASSAN.


Dans la matinée du 14 juin 1833, une brise favorable gonflant les blanches voiles du Ripley, nous cinglions gaîment vers les rives du Labrador. Après avoir exploré dans tous les sens les îles de la Madeleine, nous voulions maintenant visiter le Grand roc aux fous sur lequel, au dire de notre pilote, s’assemblent, pour nicher, les oiseaux dont il tire son nom. Depuis plusieurs jours déjà, j’en voyais de longues files se diriger vers le nord, et je faisais mes observations sur leur vol, tout en les regardant traverser les airs. À mesure que s’avançait notre navire, ballotté sur le dos des vagues pesantes, je sentais redoubler mon impatience d’arriver. Enfin, sur les dix heures, nous commençâmes à distinguer, dans l’éloignement, une grande forme blanche, que le pilote nous indiqua comme étant le rocher objet de nos recherches. Bientôt après, je le vis parfaitement de dessus le pont ; et l’on aurait dit qu’une couche de neige de plusieurs pieds le recouvrait encore. En approchant, l’atmosphère me paraissait remplie çà et là de flocons d’un éclat éblouissant : j’interrogeai le pilote qui, souriant de ma simplicité, me répondit que ce que j’apercevais n’était autre chose que les fous eux-mêmes et l’île qui leur servait de refuge. Je me frottai les yeux, pris ma lunette et