Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/75

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grené et, en l’ouvrant, nous vîmes une tête de poisson de plusieurs pouces qui, tout entière encore, s’était logée dans ses entrailles. Le malheureux oiseau, combien il avait dû souffrir !

Une autre fois, vers Charleston, je trouvai deux de ces jeunes Hérons, déjà en état de voler, et qui se tenaient droits à quelques pas du nid, dans lequel un troisième était resté, à moitié pourri, et que les autres semblaient avoir mis à mort à force de le battre et de le piétiner. Ils m’opposèrent peu de résistance, se contentant de gémir et de faire entendre une sorte de grognement sauvage. Je les mis dans une grande mue où étaient enfermés quatre Hérons blancs qui tout à coup se ruèrent avec tant de fureur sur les nouveaux venus, que je fus obligé de les lâcher sur le pont. J’avais souvent remarqué l’extrême antipathie que la majestueuse aigrette témoigne contre le héron bleu à l’état sauvage ; mais je fus étonné de la retrouver aussi forte dans de jeunes sujets qui n’en avaient jamais vu, et qui, à cette époque, étaient de moindre taille que les autres. En vain j’essayai de les réconcilier en les mettant ensemble dans une grande cour ; sur-le-champ les blancs attaquaient les bleus qui avaient toujours le dessous. Ces derniers montrèrent une humeur plus sociable et plus d’attachement l’un pour l’autre. Quand je leur jetais en l’air un morceau de tortue, ils le recevaient avec beaucoup d’adresse et l’engloutissaient au même instant. À mesure qu’ils devinrent plus familiers, je leur donnai du biscuit, du fromage et même de la couenne de lard.