Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/8

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il n’était déjà pas de soi-même trop endurant, et le coup est rendu avec usure. L’agresseur, un moment étourdi, chancelle ; mais bientôt il se remet, et le combat se rengage avec fureur. Si les armes étaient plus meurtrières, que de faits héroïques j’aurais à célébrer ! Telles qu’elles sont cependant, une botte succède à l’autre, aussi dru que les coups des noirs forgerons sur l’enclume. Mais, hélas ! l’heureux mâle a saisi dans son bec la tête de l’autre et la serre avec la ténacité d’un bouledogue ; il secoue sans pitié sa victime, la bat et la rebat de ses ailes puissantes, et quand sa rage est assouvie, la rejette enfin loin de lui. Puis il gonfle son plumage, revient glorieux vers sa femelle, et remplit l’air de ses cris de triomphe.

Et voyez ! ce n’est plus seulement deux mâles, mais une demi-douzaine que l’humeur batailleuse a gagnés. Quelque mauvais sujet, je m’imagine, vient de tomber traîtreusement sur un mâle accouplé ; et sans doute d’honnêtes spectateurs, indignés d’une telle conduite, ont accouru au secours de l’opprimé. On se mêle, on se prend corps à corps ; coups d’ailes et coups de bec pleuvent à l’envi, et les plumes volent de toutes parts. Battu, confus, mortifié, le malencontreux agresseur opère honteusement sa retraite, et là-bas, sur le sable, il reste étendu à moitié mort.

Ces mâles sont si ardents, remplis de tant de courage et d’affection pour leur femelle, que l’approche seule d’un autre mâle les met hors d’eux-mêmes, et à l’instant ils sont prêts à se jeter dessus. Dès que la femelle a pondu son premier œuf, le mâle dévoué