Page:Augier - Théatre complet, tome 5, 1890.djvu/217

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Lancy, riant.

Jusqu’à un certain point. Voilà un brave garçon qui dispute au trépas une brune adorable ; on lui rend une Eurydice poivre et sel !… Il y a évidemment substitution de personne ; c’est la seule cause de nullité que reconnaisse le Code ; ne soyons pas plus sévères que lui.

Madame de Verlière, à la cheminée.

Comme vous êtes tous les mêmes ! Soyez donc bonne, intelligente et sincère ; évertuez-vous à vous rendre digne de votre maître futur ; préparez-lui une compagne dévouée, un gardien fidèle de son honneur ; pauvres sottes ! Ce n’est rien de tout cela qui le touche ; c’est la nuance de vos cheveux ou la courbe de votre nez. Devenez coquettes, frivoles, égoïstes, son amour n’en diminuera pas, au contraire ; mais gardez-vous d’un cheveu blanc ou d’un grain de petite vérole, car tout votre bonheur s’écroulerait et votre mari vous dirait tranquillement : « J’en suis bien fâché ; il y a substitution de personne… » Et vous, que j’avais la naïveté de plaindre tout à l’heure !…

Lancy.

Permettez… il n’est pas question de moi dans tout cela, mais de Valincourt.

Madame de Verlière, revenant à la table.

Que vous excusez, que vous approuvez, que vous imiteriez le cas échéant. Ayez au moins le courage de votre opinion.

Lancy.

Tâchons de nous entendre : à qui faites-vous le procès, à Valincourt ou à moi ?