Page:Augier - Théatre complet, tome 5, 1890.djvu/52

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Giboyer.

Oui, mon président.

Le Marquis.

Vous avez perdu de vue assez lestement la mère et l’enfant jusqu’en novembre 1845, époque où la pauvre fille est morte.

Giboyer.

Comment savez-vous… ?

Le Marquis.

Nous avons notre police, mon cher. — Adèle Gérard vous avait écrit une lettre désespérée où elle vous léguait Maximilien ; vous êtes accouru à son lit de mort, vous avez voulu légitimer l’enfant par un mariage in extremis ; mais la mère a rendu l’âme avant le sacrement, et alors, par une bizarrerie que je vous prie de m’expliquer, vous vous êtes chargé de l’orphelin sans vouloir le reconnaître. Pourquoi ?

Giboyer.

Monsieur le marquis, j’ai fait un livre qui est le résumé de toute mon expérience et de toutes mes idées. Je le crois beau et vrai, j’en suis fier, il me réconcilie avec moi-même ; et pourtant je ne le publierai pas sous mon nom de peur que mon nom ne lui fasse du tort.

Le Marquis.

C’est peut-être prudent en effet.

Giboyer.

Eh bien, si je ne signe pas mon livre, comment voulez-vous que je signe mon fils ? Je m’applaudis tous les jours que la mort ne m’ait pas laissé le temps de lui attacher au pied le boulet de sa filiation.