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aide, au XIIe siècle, l’art roman à se formuler ; au commencement du XIXe, la peinture, avec Delacroix, à se renouveler. La même influence n’est étrangère ni au développement de l’art ogival, ni à la détermination de l’art impressionniste : les Japonais l’ont confirmé dans le dédain du trompe-l’œil et de la superstition des « sujets nobles », surtout dans l’amour des couleurs franches et vraies.

Tous deux rompent avec des traditions usées ou faussées, tradition romaine tradition académique, épris tous deux de vérité, sculptant ou peignant leurs contemporains tels qu’ils les voient, dans un esprit différent, sans doute, mais cette différence même se résout en une similitude : tels qu’ils les voient, disons-nous, à leur date, et ce sont bien leurs yeux qui regardent la nature, directement, sans a priori ni préjugé d’École.

Tous deux vivent de la lumière et de son infinie diversité. Le gothique lui donne son œuvre à colorer, l’impressionniste la verse sur sa toile. Le gothique lui ouvre toujours plus larges ses fenêtres et le verrier lui offre les couleurs simples de ses vitraux qui se composent, à l’intérieur de l’édifice, en un concert polychromique. L’impressionniste, avide aussi du plein air, isole aussi les couleurs pures, préoccupé « des effets qui résultent de la réaction des voisinages ».

Tous deux ont le culte de la nature : « Rien n’offre plus l’impression de la nature qu’une cathédrale », dit M. Baffier[1]. « De même, le mouvement qui transforme, au XIXe siècle, la peinture est essentiellement naturaliste… Gothiques et impressionnistes sont du reste d’accord pour emprunter les éléments expressifs au milieu géographique et au milieu social… Il est enfin, entre ces artistes d’autrefois et ceux d’hier, une plus vivante et plus sûre concordance, l’accent, — mais l’accent du Nord. Ce sont des exaltés volontaires. » Leur lyrisme ne ressemble en rien à celui de l’Italie et de la Provence. Ils sont audacieux avec calcul, ils ne se fient jamais à leur seule virtuosité de grands exécutants, et, par la pierre taillée ou par la couleur, c’est le triomphe de la logique qu’ils recherchent, qui les enchante.

Ainsi, quand Monet dressa son chevalet devant le portail de Rouen, ce n’est point par un vain hasard que se rencontrèrent « la séculaire Cathédrale et le poète de l’éphémère … Ceci et cela, la Cathédrale et le tableau, c’est bien la même chose. Mais entre ceci et cela, il y a eu le XVIIe siècle. »

Il serait difficile, semble-t-il, de résister aux arguments enchaînés qui font la

  1. La Cathédrale de France.