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jour. — Les antiennes et les répons grégoriens ont aussi ce caractère de grandeur unique et diverse ; ils modulent le silence comme l’art gothique modèle l’ombre.

Quelle formidable et douce magnificence !

Jamais je n’ai senti aussi nettement la grandeur du génie de l’homme. Je me sens grandir moi-même sous l’afflux de l’admiration. Ainsi renaîtrait un peuple qui prendrait la peine de regarder, qui chercherait à comprendre. Et, sans répit, je crie aux miens : Il n’y a rien d’aussi beau à voir, rien d’aussi utile à étudier que nos Cathédrales françaises, et entre toutes celle-ci ! Pourquoi êtes-vous devenus aveugles, héritiers des voyants qui accomplirent le chef-d’œuvre ?…

Maintenant, la musique, confusément entendue tout à l’heure, se précise et se règle. La joie de tant d’âmes, par elle charmées d’âge en âge, sourd de cette Cathédrale, qui est elle-même une musique, et ce sont comme deux harmonies qui se poursuivent, se rejoignent, se fondent amoureusement. La vie s’élance de l’ombre et monte au faite en spirales lumineuses, mélodieuses. Je perçois des voix d’anges…

Quels mots pourraient rendre le bonheur qui m’investit de toutes parts, cet étonnement ravi d’une âme qui soudain se sent ailée, parmi l’ombre nuancée qui chante ?

Cette poussière de lumière, ce scintillement de l’ombre que Rembrandt nous a fait admirer, ne vous les a-t-il pas empruntés, Cathédrales ? Lui seul, du moins, a su, par un autre art, exprimer, définir en le transposant, le miracle, l’inépuisable richesse de ces modelés de l’ombre.


VI


Quelle est cette ligne archaïque ?

— L’Ange ! L’Ange de Chartres !

Je tourne autour de lui, je l’étudie, et ce n’est pas la première fois, et comme toujours c’est avec insistance.