Page:Auguste de Gérando - La Transylvanie et ses habitants, 1845, Tome II.djvu/113

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fusé de se rendre aux Turcs ; mais, affaibli par la perte de son sang, il ne se défendait plus qu’avec peine. Lorsque Szántó s’approcha, il crut qu’il venait le sauver, et il eut encore la force de l’appeler à lui : « Szántó, mon enfant » ! s’écria-t-il. Mais le traître leva le sabre, et lui porta à la gorge un dernier coup, qui le renversa de cheval.

Le marquis Doria, qui commandait la cavalerie impériale, fut pris. Le général Heussler fut fait aussi prisonnier par un Tatar, qui, sans le connaître, le céda pour deux cents ducats à Tököli. Le Tatar avait vendu l’homme, mais non le cheval. Il fit quitter sa monture au prisonnier en lui donnant un coup de fouet sur la tête, et s’écria : poposlas, c’est-à-dire « homme libre ». Tököli aida le général à se relever. « Captus es, Domine Heussler, lui dit-il. — Hodie mihi, cras tibi, Domine comes Tököli », repartit l’Allemand.

Le lendemain de la bataille, Tököli, ennemi juré du généralissime, fit rechercher son corps. Mais il était déjà dépouillé par les Tatars, et il avait reçu tant de blessures au visage, qu’on fut long-temps sans pouvoir le retrouver. À la fin un prisonnier le reconnut, en passant les doigts dans sa bouche, à ce qu’il n’avait plus de dents. Tököli fit laver le corps, et l’envoya, revêtu de son propre linge, à la veuve de Teleki, Judith Vér. C’était agir en ennemi généreux. Les Saxons, au contraire, se couvrirent de honte en injuriant le mort quand il traversa leurs villages.