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Page:Auguste de Gérando - La Transylvanie et ses habitants, 1845, Tome II.djvu/285

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n’ait ses Bohémiens et son répertoire. Nul de ces musiciens errants ne peut dire à qui sont dues les mélodies qu’ils exécutent : ils les tiennent de leurs pères, et les jouent de mémoire. On a essayé d’en saisir quelques unes au vol. Il s’en vend à Pesth et à Vienne. Mais on a eu soin de les convertir en valses ou de les arranger en variations brillantes. D’ailleurs ces chants ne s’accommodent pas du piano et des salons. Il faut les entendre répétés par les échos, pour lesquels ils ont été faits, quand les événements dramatiques, dont chaque air est un éloquent souvenir, reviennent en mémoire. Il y a dans cette musique quelque chose de hardi, d’indompté et de sauvage : elle veut le grand air et le soleil.

Et qui d’ailleurs sait la rendre avec autant de verve et de sentiment que l’artiste bohémien ? Qui possède à un si haut degré l’intelligence de cette poésie originale ? Aussi triomphe-t-il dès qu’il saisit son violon. Au bout de quelques mesures, un, deux, trois auditeurs, entraînés spontanément, se détachent du groupe, font sonner l’éperon, et exécutent cette danse expressive qui s’allie si bien à la musique nationale. La danse hongroise se plie à toutes les mélodies, gaies ou tristes. Elle laisse l’homme libre de ses pas et de ses mouvements, elle ne l’astreint à aucune règle. C’est à lui de s’abandonner à sa verve et d’improviser les figures. Chez un peuple qui a reçu en partage la beauté des for-