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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome I.djvu/298

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histoire de saint augustin.

savant Hilaire, évêque d’Arles, qui, sur tout autre point, professait une très-vive admiration pour le grand évêque d’Hippone ; Hilaire souhaitait consulter sur ce sujet Augustin ; mais Prosper ignorait quand et comment l’évêque d’Arles exécuterait ce dessein[1]. Il faut donc que le grand docteur réponde, dût-il répéter ce qu’il a déjà écrit. « Que la grâce de Dieu et la paix de notre Seigneur Jésus-Christ, dit Prosper en finissant, vous couronnent en tout temps, et que, marchant de vertu en vertu, vous soyez glorifié éternellement, seigneur et bienheureux pape, ineffablement admirable, incomparablement honorable, le plus éminent des maîtres. »

Hilaire, moine de Syracuse, mêla sa voix à celle de saint Prosper ; il écrivit dans le même sens à l’évêque d’Hippone, qu’il avait eu le bonheur de voir et dont il avait été le disciple. Il lui apprend qu’à l’appui de leurs sentiments, les errants des Gaules invoquaient l’autorité d’Augustin lui-même dans son écrit contre Porphyre et dans son commentaire de l’Épître aux Romains ; Hilaire cite les passages. Le moine de Syracuse marque avec plus de précision que saint Prosper les divers points sur lesquels les semi-pélagiens des Gaules s’éloignaient de la doctrine de saint Augustin. Hilaire signale les passages du livre de la Correction et de la Grâce qui n’avaient point reçu leur adhésion. Ils pensaient qu’on aurait mieux fait de ne pas produire la doctrine de la prédestination si féconde en troubles de cœur et de conscience. Hilaire eut bien voulu s’en aller lui-même à Hippone porter toutes ces questions à Augustin, mais la Providence lui refuse ce bonheur ; il est condamné à n’écrire qu’une lettre dont il regrette la précipitation. Le moine demande les deux livres de la Révision des ouvrages pour lui servir de guide dans l’appréciation de la doctrine du maître ; il demande aussi le livre de la Grâce et du Libre Arbitre qu’il ne connaissait pas encore. Hilaire conjure le grand évêque de ne pas attribuer au moindre doute sur ses enseignements le désir d’avoir sa révision : il souffre assez de vivre loin d’Augustin sans qu’un soupçon pareil vienne ajouter à son affliction ! Craignant que sa lettre ne soit trop incomplète, il a prié un de ses amis (Prosper) dont il vante les mœurs, l’éloquence et le zèle, de se réunir à lui pour ne laisser échapper rien d’important. Hilaire offre à Augustin les salutations de son père, de sa mère et du diacre Léontius ; il lui parle d’un frère qui, d’accord avec sa femme, a fait vœu de continence, et le recommande aux prières du saint évêque.

Augustin disait avec saint Paul aux Philippiens. « Je ne crains point de vous écrire les mêmes choses, si cela vous est avantageux. » Les livres de la Prédestination des Saints et du Don de la Persévérance furent sa réponse à Prosper et à Hilaire. Après tant d’ouvrages et de lettres, il croyait avoir suffisamment établi la doctrine de l’Église par les enseignements divins ; Augustin s’affligeait qu’on ne cédât point à des témoignages si nombreux et si clairs, mais il n’hésitait pas à se rendre à la prière de ses deux chers fils des Gaules.

Dans le premier livre, le docteur réunit les preuves les plus frappantes, tirées de l’Ecriture, pour établir que la foi est un don de Dieu et non pas l’œuvre de la volonté humaine ; il raconte son erreur à ce sujet depuis l’année 394 jusqu’à l’année 397, époque de ses livres à Simplicien, et cite sa rectification sur ce point, empruntée à sa Révision. Il parle d’une vocation qui se fait selon le décret de la volonté de Dieu, vocation qui n’est pas commune à tous les appelés, mais qui est particulière aux prédestinés. L’Apôtre dit qu’il a reçu miséricorde pour devenir fidèle[2]. La foi est un don gratuit qui n’est pas accordé à tous les hommes. « Si l’on me demande, dit Augustin, pourquoi Dieu délivre l’un plutôt que l’autre, je ne puis répondre sinon que ses jugements sont impénétrables et ses voies incompréhensibles[3]. Après avoir répondu à l’objection tirée de son écrit contre Porphyre, le docteur caractérise la différence entre la prédestination et la grâce : l’une est la préparation de la grâce dans les conseils de Dieu, l’autre est le don actuel qu’il nous en fait. Le plus éclatant exemple de prédestination est cette élévation prodigieuse à laquelle l’incarnation du Verbe éternel a porté la nature humaine qu’avait fait l’humanité pour mériter un tel honneur ?

Le deuxième livre a pour but principal de prouver que la persévérance est un don de Dieu. Nul homme vivant n’est certain d’avoir reçu ce don, : il faut pour cela avoir persévéré jusqu’à la fin. Le don de persévérance est comme le complément de la prédestination.

  1. Hilaire d’Arles mourut avec les sentiments de la foi catholique.
  2. I Corinth., vii, 25.
  3. Rom., ii, 33.